En 2004, Irène Némirovsky recevait, à titre posthume, le prix Renaudot.
Nouvel éclairage sur l'oeuvre de cet écrivain morte en déportation en 1942.
Le manuscrit de Suite française, tomes un et deux d'une saga qui devait en compter 5, avait été conservé soigneusement et pendant longtemps par ses filles Denise Epstein et Elisabeth Gille qui l'ont fait publier, en 2004 donc, aux Editions Denoël.
En 2004, je m'étais promis de lire ce roman et puis la vie va, le temps passe et je ne l'ai pas lu.
Au cinéma, voilà bien un mois, j'ai vu la bande annonce de l'adaptation cinématographique de ce roman et je me suis donnée une échéance : un mois pour lire le livre avant de peut-être aller au cinéma.
J'ai couru les librairies et j'ai acheté l'édition de poche, un peu, bêtement ?, déçue de ne pas retrouver sur la couverture le visage de l'auteur en noir et blanc, un peu sépia, comme dans mon souvenir, mais une reproduction du film à venir. Là n'était sans doute pas l'essentiel.
Je me suis plongée dans le livre, happée par la modernité de l'écriture. Les phrases sont simples et le découpage en courts chapitres semble avoir prévu l'ère de 2015 et sa tendance à la concentration courte durée. On va d'une famille à l'autre, les Péricand, les Michaud, Corte, Langelet, vivant avec eux les "préparatifs" de l'exode. Tous sont persuadés, les nouvelles, les amis ou connaissances dans les ministères ou les institutions, le disent, Paris sera bombardée. Il faut fuir vers la province, en train, en voiture, à pieds. Aucun personnage n'est sympathique - il y a ceux qui ont tout simplement peur, ceux qui suivent les ordres qu'on leur donne, ceux qui se préoccupent de conserver le plus d'effets personnels ou tout ce qui est nécessaire pour continuer, ailleurs, leur vie mondaine - mais on a envie de les suivre et de savoir comment ils vont s'en sortir.
Dans la seconde partie, on est dans la France occupée par les Allemands. Certains personnages ont été perdus, vivants ou morts, sur la route de l'exode, d'autres apparaissent, Lucile et Madeleine par exemple, on vit avec elles dans cette France étrange où le soleil se lève chaque matin à l'est, les oiseaux chantent au printemps, la musique envahit les bars les jours de repos et où la douceur de vivre cache bien des noirceurs.
La biographie d'Irène Némirovsky, morte à Auschwitz, peut rebuter de prime abord ; je veux dire, par exemple, lorsque j'ouvre un livre de littérature sur cette période de l'histoire de France, je suis toujours un peu fébrile, j'ai peur d'avoir mal, comme pour Le silence de la mer de Vercors ou Si c'était un homme de Primo Lévi , mais c'est un tort. C'est un livre très fort mais pas larmoyant. On ne se retrouve pas dans la position du lecteur extérieur qui "regarde" un drame se dérouler devant ses yeux, la narration est telle qu'on a l'impression d'être à l'intérieur de l'époque, de prendre nous aussi le chemin de l'exode, de nous cacher à la va vite dans les fourrés et d'espérer qu'aucune bombe ne mettra fin à notre vie prématurément dans un lieu inconnu. Nous aussi, lecteurs, nous rejoignons une petite ville, un village, de province paisible mais où des choses bizarres se passent.
Le roman est suivi par des notes prises par Irène Némirovsky pendant la rédaction de son roman. Pensées quotidiennes sur l'état de la France ou tel ou tel personnage de son roman. C'est vraiment intéressant de jeter un oeil sur les carnets, annexes, d'un roman entrain de se faire dans les années 40 en France. Encore après suit la correspondance 1936-1945 entre Irène Némirvovsky et son éditeur Albin Michel puis celle entre Michel Epstein, l'époux de l'auteur, et l'éditeur. Terrible, terrible, terrible, de lire un père chercher quelques nouvelles, même mauvaises, de sa femme, internée dans un camp, et préparer la cachette et la vie de ses petites filles quand il ne sera plus là parce que "nous vivons des heures angoissantes qui peuvent devenir tragiques du jour au lendemain".
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A explorer : Les Oeuvres complètes d'Irène Némirovsky regroupées en deux tomes aux éditions Le livre de poche. Le mirador, la biographie romancée d'Irène Némirovsky écrite par sa fille Elisabeth Gille.
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