Journal d'une femme de chambre, Benoît Jacquot

Le livre Journal d'une femme de chambre  d'Octave Mirbeau acheté par mes parents voilà longtemps trône dans ma bibliothèque mais je ne l'ai jamais lu. Sans doute parce que ce n'est pas un livre que j'ai choisi mais un héritage, abandonné là, à quelqu'un qui aime lire. Je n'ai jamais vu non plus les films de Jean Renoir et de Luis Buñuel adaptés du roman. Je suis donc allée au cinéma pour découvrir le film de Benoit Jacquot sans idée préconçue de ce qu'il fallait que je voie ou pas. 
Comme toujours avec ce cinéaste, j'ai aimé la lumière, les costumes, le décor et les dialogues. Comme ça fait du bien de voir par les fenêtres du grand écran la campagne de province, les fleurs, le vent et les vagues de la Normandie. C'est l'histoire d'une femme de chambre à la fin du XIXème siècle. Epoque cruelle, comme toutes les époques, pour les pauvres avec un petit supplément pour les femmes. Elle sert des gens riches dont elle devient l'objet. Ma fille, allez me chercher une aiguille. Ma fille, allez me chercher du fil. Ma fille, allez me chercher des ciseaux. Ma fille, dépêchez vous. Ma fille, soyez moi dévouée corps et âme. Célestine obtempère mais son âme, à l'esprit rebelle, virevolte parfois. Comme elle est jolie et que sa rébellion cache sans doute quelque pointe d'intelligence, l'agence de placement de gens de maison lui promet un avenir meilleur si elle cesse son "inconduite", si elle se veut un peu plus docile, un peu moins insolente, nécessité faisant loi. Un avenir meilleur, c'est un mariage, une autre forme d'avilissement sans doute, avec le bourgeois, veuf ou vieux célibataire, que l'on aura servi. N'est-ce pas ce qu'attend Rose, la servante de la maison voisine? Elle guette la mort de son fantasque patron pour jouir de la maison qu'il aura inscrite à son nom dans son testament. Oui mais Célestine est une servante qui méprise les bourgeois qu'elle sert. Elle ne les envie pas, elle ne rêve pas d'être à leur place, son luxe serait sa liberté. C'est ce que lui promet Joseph le jardinier. Taiseux, gestes brusques, antisémite acharné (nous sommes au temps de l'affaire Dreyfus), il partage avec Célestine la douce haine de la classe dominante à laquelle il semble si dévoué. 
C'est un film qui parle de la lutte des classes, de la servitude dont on voudrait s'échapper mais qui nous tient. Combien nous coûtera t-il d'être libres ? Est-ce possible d'être libres ? C'est un film qui parle de la condition des femmes - épouse - servante - maîtresse - prostituée - les choix sont limités. Combien de frustrations ? 
Film brutal, enivrant, fort, servi par d'excellents acteurs, premiers et seconds rôles. Un petit coup de coeur pour Mélodie Valemberg qui joue bien justement la cuisinière, résignée, Marianne.


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